Construire un réseau trophique, une question de compromis : Complexité et structure des réseaux trophiques de la mer de Barents
Un réseau trophique décrit la diversité d’espèces et leurs relations alimentaires, c’est-à-dire «qui mange qui». Les réseaux trophiques sont des éléments essentiels en écologie (la science, je l’entends) car ils résument qui est présent dans un écosystème et comment ces espèces interagissent les unes avec les autres. Au sein d’un réseau trophique, seul les interactions de type consommateurs-proies sont considérés. À prime abord, il peut sembler simple de répertorier toutes les espèces et leurs interactions trophiques, mais la diversité spécifique est si large qu’elle rend impossible la construction de réseaux alimentaires complets. Dans la pratique, nous regroupons ensemble les espèces pour construire des simili espèces fictives (ou « tropho-espèces ») qui résument quelque peu les particularités des espèces qu’elles représentent. Les grandes questions sont : «Comment élire ces représentants?», «Quelles caractéristiques doivent-elles avoir?», «Le réseau trophique restera-t-il le même?» Répondre à ces questions se révèle complexe lorsque les espèces ne sont que partiellement semblables les unes aux autres.

Fig. 1 Étapes de construction de tropho-espèces : agrégation d’espèces et de liens trophiques
Étape 1 : Grouper les espèces. Étape 2 : Ré-évaluer les liens trophiques entre les tropho-espèces nouvellement formées.
Copyrights © Pierre Olivier
Pour faire simple.
Un exemple de relation trophique en mer de Barents : à gauche, l’ours polaire, le prédateur (Ursus maritimus) – à droite, le phoque barbu, la proie (Erignathus barbatus)

- Les ours polaires sont qualifiés de «prédateurs supérieurs», ce qui signifie qu’ils n’ont, eux-mêmes, aucun prédateurs (sauf cas de cannibalisme).
- Bien que bons nageurs, leurs meilleures chances d’attraper leur nourriture sont sur la glace ou sur terre.
- Par conséquent, ils ne peuvent chasser leur nourriture que sur une période relativement courte de l’année lorsque la glace de mer est présente. Par chance, la nature les a dôtés d’une capacité de jeûn très prolongé.
- Chasseurs efficaces, ils pourraient sentir les trous dans la glace où viennent respirer les phoques jusqu’à une distance de 3 km.

- Les prédateurs principaux des phoques barbus sont les ours polaires, les orques, mais aussi parfois les morses. En effet, les morses peuvent parfois agrémenter leur déjeuner d’un bébé phoque.
- Ses longs moustaches lui ont donné son nom (on dirait vraiment qu’il porte une moustache).
- Contre leur prédateur, l’ours polaire, leur meilleure chance de survie est de plonger sous la glace. Vous trouverez souvent les phoques barbus se reposant près d’un trou dans la glace d’où ils peuvent facilement s’échapper ou venir respirer quand en plongée.
L’ours polaire : Par Ansgar Walk (Travail personnel) [CC BY-SA 2.5], via Wikimedia Commons
Le phoque barbu : Par Alastair Rae (Travail personnel) [CC BY-SA 2.0], via Flickr
Pour répondre à nos nombreux questionnements, nous avons utilisé le réseau trophique de la mer de Barents comme objet d’étude et nous avons regroupé les espèces soit sur (i) leurs liens de parentés, (ii) leur similitude en termes d’interactions; ou (iii) leur position dans le réseau trophique. Nous avons ensuite comparé les différents résultats. Nous avons constaté que les choix ad hoc (càd destinés à répondre à un besoin spécifique) réalisés lors de la construction de réseaux trophiques (choisir de grouper les espèces sur leur régime alimentaire plutôt que leur parenté, par exemple) peuvent considérablement altérer la représentation des réseaux trophiques et comment les espèces interagissent les unes avec les autres. Dans cette étude (article original ci-dessous), nous montrons comment les différentes espèces peuvent être regroupées et comment cela peut influer sur notre compréhension de la structure du réseau trophique. Nous fournissons des conseils et méthodes simples pour la construction de réseaux trophiques simplifiés tout en conservant les propriétés des réseaux, la plupart du temps, inaltérées.
Ce qu’il faut retenir – Take Home Message
THM – How to build food web – Construction de réseaux trophiques
FR: Les questions et réponses apparaissent à la fois en anglais et en français.
EN: Questions and answers are both displayed in English and French
Petite vidéo de la série « The Hunt » diffusée sur la BBC. On y voit un ours polaire s’exerçant à la chasse au phoque.
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/oik.04138/full
Ce poste a également été publié sur le site de mon réseau de thèse MARmaED.
- L’ours polaire – Ursus maritimus
Par Ansgar Walk (Travail personnel) [CC BY-SA 2.5], via Wikimedia Commons - Anecdotes et description de l’ours polaire: http://www.arkive.org/polar-bear/ursus-maritimus/
- Le phoque barbu – Erignathus barbatus
Par Alastair Rae (Travail personnel) [CC BY-SA 2.0], via Flickr - Anecdotes et description du phoque barbu : http://www.arkive.org/bearded-seal/erignathus-barbatus/
- Mon papier : Olivier, P. and Planque, B. 2017. Complexity and structural properties of food webs in the Barents Sea. – Oikos (in press).
- Les capacités olfactives de l’ours polaire : Togunov, R. R., Derocher, A. E., & Lunn, N. J. (2017). Windscapes and olfactory foraging in a large carnivore. Scientific Reports, 7.
- Le jeûn des ours polaires: Robbins, C. T. et al. 2012. Hibernation and seasonal fasting in bears: the energetic costs and consequences for polar bears. – J Mammal 93: 1493–1503.
[…] dans leur capacité à rechercher de la nourriture pourraient se propager à l’ensemble du réseau trophique. Ceci pourraient avoir des conséquences encore plus drastiques sur toutes les facettes de […]